Tomber en amour, ou l'état naissant selon Alberoni.

Avez-vous lu Alberoni? Voilà un auteur fascinant dont le principal sujet est l'amour ou, plutôt, ce qu'il appelle « l'état naissant », cette période où deux personnes vivent cette expérience particulière qui n'est pas encore de l'amour, mais que nous désignons par l'expression « tomber en amour ». L'énamourement est bouleversement, un « choc amoureux » - du titre en français de son essai le plus connu. L'énamourement est révolutionnaire. C'est à cela qu'on le reconnait et qu'on le distingue de l'emballement. Le choc amoureux se produit toujours en période de changement, et il transforme les individus qui le vivent. Ce bouleversement est profond, et il ne laisse ni l'un ni l'autre intact. Une nouvelle vision du monde, une nouvelle vie se cristallisent autour de ce choc qui renverse les vieilles idoles, les anciennes certitudes, les habitudes de vue bien ancrées jusque là. Il ouvre de nouvelles perspectives, d'où son aspect à la fois grisant et déstabilisant. Tout semble possible, tout prend un aspect renouvelé, comme au matin de la création - et c'est bien à cet état édenique que nous nous retrouvons ramenés.

Est-ce que tu parles de la passion fusionnelle ?

Capucine a écrit:

Est-ce que tu parles de la passion fusionnelle ?

L'état fusionnel n'est qu'une des caractéristiques de l'énamourement. Il y en a d'autres. J'y reviendrai car, ce soir, j'ai la tête trop lourde...

Oui j'ai lu Francesco Alberoni dans le temps.

J'avais adoré son livre. J'ignore si le relire maintenant me ferait autant tripper mais dans ce temps là j'avais adoré. Assez pour acheter plusieurs oeuvres après avoir lu "Le choc amoureux" C'était fin des années 70....

«La créativité est faite d'attention et de respect pour les petits faits de la vie.»
[ Francesco Alberoni ] - Vie publique et vie privée


Et celle ci que j'adore.
«La pensée idéologique est toujours contre quelqu'un. Elle est toujours un instrument de violence. Elle en est imprégnée, empoisonnée.»
[ Francesco Alberoni ] - Vie publique et vie privée



Mais bon on s'éloigne du sujet là...
"le "choc amoureux" qui inspire et illumine l'existence, provoquant la créativité, l'imagination, l'espoir, la paix, mais aussi la jalousie, et finalement, bien souvent le désespoir? Pourquoi l'état amoureux est-il si merveilleux et si difficile à faire durer? "

Ce maudit désespoir qui suit l'illumination.... quand on est passionné on le connaît, on le vit moins si on est tiède; ce que je ne suis pas.

Moi aussi je suis une passionnée. J'ai connu une grande passion il y a 8 ans qui m'a presque détruite quand elle s'est terminée.

Depuis, je mets toujours les breaks malgré moi, j'ai peur que ce soit aussi fusionnel et d'en souffrir. Je me retiens tout le temps, je me garde de la place dans ma tête juste pour moi au cas.

En ce moment, je vis un amour, un bel amour, qui est très passionnel pour lui et pour moi, c'est très très beau mais les maudits breaks sont là encore.

Toujours le dilemme entre : me laisser aller ou garder la tête froide ?

Jaco ....

Jacques, tu as vraiment réponse à tout!

J'ai Aberoni sur une étagère quelque part chez moi "innamoramento". J'ai beaucoup aimé sa réflexion, que je trouve totalement juste.
A un moment précis du livre, il explique aussi très bien les différentes ondulations de nos états amoureux, un jour, l'un des deux va aimer l'autre un peu plus, et vice-versa à un autre moment, bref, c'est un ouvrage passionnant.
Mais passionnant et passion ne sont pas forcément amis et pour relire Capu, j'aurais envie d'ajouter que passion et durée ne vont pas de pair, l'un ne s'accomodant pas de l'autre, impossible.
Personnellement, je ne crois pas à la fusion, pas du tout, je crois à la complicité, je crois à ce qui unit oui, mais je crois que la fusion partout, toujours est une vorace qui brûle tout sur son passage. Je reconnais néanmoins qu'elle peut peut être fonctionner chez un certain nombre de couples, mais là aussi je m'interroge sur les raisons d'une telle union.
La fusion ne m'intéresse que dans l'échange corporel, là, oui, j'y crois et j'y crois fortement. Je crois à l'amour des corps, les salives et les transpirations mêlées, là oui, c'est fusionnel et c'est plutôt pas mal (si vous me permettez de parler ainsi)
Mais la passion a quelque chose de meurtrier, que je n'ai pas (plus) envie de vivre.
Au contraire, l'amour, c'est ce qui doit faire vivre et aimer, c'est à mes yeux, parfois permettre à l'autre, celui qui est momentanément plus faible, de s'élever, c'est comme l'éducation qu'on donne à nos enfants, l'amour, c'est tirer l'autre vers le haut, le très très haut et le meilleur.

J'ai envie de l'amour, celui qu'on fait, et celui qu'on donne en permanence sans avoir à se poser de questions, celui qui offre gratos sans ergoter sur qui a donné quoi et quand, j'ai envie de cet amour qui apaise et pardonne, celui qui fait faire la sieste et répand la chaleur, celui qui met en harmonie les musiques intérieures, celui qui rit, et aussi celui qui peut pleurer, celui qui parle et celui qui cultive le silence comme une espèce rare, celui qui partage, celui qui chante, celui qui rend beau, unique et aimable, très très aimable...
Je crois à cet amour, je suis en train de le vivre et j'ai la sensation d'être amoureuse, mais vraiment, totalement, réellement amoureuse pour la première fois de ma vie.
Et vous savez quoi ?


J'ai 47 ans !

Ah ma Lolo, à te lire, on croirait presque que tu es mon clone ! Je pense tellement comme toi ... et c'est pour avoir vécu une passion destructrice que j'ai appris ça. Au moins dans mon cas, l'expérience a servi à quelque chose !

Je suis si heureuse de voir ton bonheur

Citation :

Mais la passion a quelque chose de meurtrier, que je n'ai pas (plus) envie de vivre.

La brûlure que ça laisse et oui quelque chose de meurtrier pour l'âme, le coeur et la vie...

Moi non plus je ne voudrais jamais jamais revivre de passion....