Le monde selon... MadameDehors, dans une canicule étouffante, Georges lave sa voiture. De la fenêtre, Madame le regarde en se prélassant au soleil. L'astre solaire joue dans ses poils d'argent pendant que la chaleur pénètre son corps alangui.
En sueur, Georges entre dans la maison pour se désaltérer. Un éclair gris surgit de la chambre et se faufile entre ses jambes. Il se penche pour caresser le bel animal qui tourne vers lui un regard plein d'amour exclusif.
«Si je n'étais pas là pour m'occuper de son bien-être, pense Madame, il serait très malheureux». Elle sait qu'il va parfois en voir d'autres mais il lui revient toujours. La dernière a pourtant été plus coriace que les autres. Elle s'était installée à demeure et Madame avait dû déployer toute sa ruse pour s'en débarrasser. Georges n'avait rien vu du tout et n'avait pas compris pourquoi une femme équilibrée lui avait fait une crise d'hystérie à propos de sa chatte. Et lorsque Madame avait failli être l'innocente victime de cette furie, Georges l'avait bannie de sa maison et de son coeur. Non mais, elle se prenait pour qui celle-là, pour vouloir tuer une pauvre petite chatte sans défense ?
Madame continue de ronronner pendant que Georges se verse une bière. Elle est convaincue qu'aucune femme ne le mérite et son coeur félin sait que c'est pour son bien qu'elle a mijoté des diableries de son cru pour faire fuir toutes ces mégères. Madame aime passionnément Georges et, malgré qu'il se croit le maître, elle sait qu'il lui appartient totalement.
Madame compte sur Georges pour se faire nourrir, se faire aimer et pour avoir du confort. Mais, en tant que réincarnation d'une déesse égyptienne - ou peut-être vient-elle d'une autre planète - elle n'est pas faite pour exécuter les viles besognes, comme laver l'auto, tondre le gazon, faire le ménage. Elle laisse cela à Georges qui exécute pour elle, et avec plaisir, toutes ces tâches dégradantes et insignifiantes.
Le soir, elle l'attend au lit. Lorsqu'il se couche, exténué après une dure journée de labeur, elle s'étend sur sa poitrine velue, si douce, et le pétrit avec ses pattes, le perçant juste un peu de ses griffes, à la limite du supportable. Jouissant du moment présent, Madame s'ouvre néanmoins un oeil de temps à autre pour contempler l'homme adoré pendant qu'il passe langoureusement la main dans sa fourrure soyeuse. Georges est complètement en son pouvoir.
C'est elle qu'il voit et entend dès son réveil. C'est pour elle qu'il se lève car elle est affamée tôt le matin. Il ne sait pas que sa petite déesse prend ainsi un soin jaloux de sa santé en l'empêchant d'être paresseux.
Georges a fini de boire sa bière et quitte la fraîcheur de la maison pour retourner à sa voiture. L'observant de la fenêtre, Madame constate qu'il se dirige vers une femme qui vient d'arriver. «Encore une» se dit-elle. Et, en les regardant s'embrasser, la chatte se demande comment elle pourrait bien s'y prendre pour les séparer... car, comme toutes les autres, cette femme n'est pas digne de lui, de son homme.
Mars 14th 2007, 09:17
