Quand vous reviendrez sur le forum après avoir fêté ... un conte de Noël de ma composition pour ceux qui aiment rêver ...
LE CADEAU
Un conte de Noël que j'ai écrit il y a quelques années ...
Laurie roulait lentement sur la route blanche. Il neigeait depuis quelques heures. La poudrerie, causée par le vent soufflant par rafales, amoncelait la neige sur le chemin, enlevant à la jeune femme ses points de repère. On était à la fin de l'après-midi, il faisait très sombre. Laurie avait l'impression de flotter dans une blancheur mouvante.
On était la veille de Noël. Seule, comme d'habitude, elle avait quitté son appartement pour aller souper au restaurant. C'était mieux qu'un repas solitaire, surtout ce soir-là. Séparée depuis trois ans, Laurie apprivoisait mal la solitude. Et cette année, pour couronner le tout, elle avait déménagé loin de chez elle, loin de tout ce qui lui était familier, parce qu'elle avait enfin obtenu l'emploi dont elle rêvait depuis longtemps. Mais l'adaptation à son nouveau milieu était difficile, et c'était pire en cette période de l'année. Elle n'avait même pas songé à mettre des décorations de Noël.
Les pensées de Laurie furent interrompues brutalement. Elle eut l'impression soudaine d'être engloutie par l'immensité blanche. Son corps bascula et elle ressentit une intense douleur à la tête. Le temps sembla suspendu. Puis tout revint à la verticale aussi brusquement que ça avait commencé.
Elle éteignit le moteur qui ronronnait encore. Elle était étourdie et éprouvait une peur immense de se retrouver là, au milieu de nulle part. Il y avait de la vitre partout. Le vent froid la giflait. Elle regarda autour d'elle et devina plus qu'elle ne les vit la tôle tordue, les vitres éclatées, ses effets personnels éparpillés aux quatre vents dans la neige. Oubliant sa douleur, elle se dépêcha à les ramasser, tout en se demandant comment elle se débrouillerait dans ce désert blanc. Puis, sa vue embrouillée par les larmes distingua, pas très loin, une lumière qui bougeait. Son corps voulut s'élancer vers l'avant mais ses forces la trahirent. Le sol se précipita tout à coup vers elle.
Quand elle reprit conscience, elle se trouvait dans une grande cuisine, bien installée dans un fauteuil confortable et emmitouflée dans une couverture moelleuse. La bonne chaleur d'un poêle à bois réchauffait délicieusement ses membres. Elle se sentait si bien qu'elle ne remarqua pas tout de suite, assis un peu à l'écart, un homme âgé. Celui-ci l'observait avec une curiosité mêlée d'inquiétude. Lorsqu'elle posa les yeux sur lui, il lui sourit. «Mon Dieu, pensa Laurie, il pourrait être le Père Noël...» Ils se regardèrent quelques secondes puis le vieil homme lui demanda si elle allait mieux. «Je ne rêve pas, se dit Laurie, en étudiant le beau visage, les doux yeux bleus, la barbe et les cheveux blancs. Lui, de son côté, avait eu tout le temps d'admirer la beauté de Laurie ainsi que ses longs cheveux noirs parsemés de gris, mais il n'avait pas encore eu le plaisir de voir ses yeux. Et ce qu'il contemplait là le troublait. Désarçonné, il détourna un peu la tête et lui demanda son nom : «Laurie, répondit-elle, et vous ?
- Je m'appelle Rosaire, dit le vieil homme. Vous êtes chez moi, dans une maison que j'ai habitée toute ma vie. Si vous en avez envie, je me ferai un plaisir de vous la faire visiter.»
Laurie se leva et fut étonnée de ne plus ressentir de douleur à la tête. Une sensation de bien-être l'envahissait peu à peu.
- Où est mon auto ? demanda-t-elle à Rosaire.
- Ne vous tracassez pas, je m'en suis occupé, dit-il.
Et il l'entraîna dans son royaume. Laurie avait l'impression de baigner dans une atmosphère magique. Des oeuvres d'art partout, des murs couverts de livres, un piano... Une serre artisanale regorgeait de plantes vertes et de fleurs superbes, plus belles que tout ce qu'elle aurait pu imaginer. Et quand l'arbre de Noël lui apparut, ses yeux se mouillèrent de larmes. Jamais Laurie n'en avait vu d'aussi beau!
La jeune femme se sentait très attirée par cet hôte charmant, même si plus d'une génération les séparait. L'ambiance était à l'amour, les deux souffraient de la solitude et cette soirée leur appartenait.
Rosaire lui cuisina un délicieux repas qu'ils dégustèrent avec du champagne. Dans la soirée, il mit de la musique et ils dansèrent langoureusement, «joue contre joue», sans être pressés par le temps. Laurie pensait rêver. Elle était envoûtée par cet homme si romantique et peu lui importait où était sa voiture et ce qui arriverait demain. Elle savourait l'instant présent, en compagnie de ce gentilhomme courtois, d'une galanterie d'un autre âge. Elle appréciait sa conversation, ses mains chaudes et douces, et la façon dont il la regardait. De son côté, Rosaire était conquis par cette jolie femme, tombée du ciel, qui lui apportait un regain de vie et de jeunesse.
Il était deux heures du matin lorsqu'ils montèrent à la chambre de Rosaire. L'aurore les vit s'endormir dans les bras l'un de l'autre.
Vers midi, le matin de Noël, Laurie s'éveilla... seule dans son appartement. Elle bondit hors du lit et jeta un coup d'oeil à la fenêtre. Sa voiture était en parfait état. Déçue et peinée, elle crut avoir rêvé. Mais en se dirigeant vers la cuisine, elle aperçut dans son salon l'arbre de Noël de Rosaire. «Ainsi, c'était bien réel» se dit-elle.
Elle s'habilla à la hâte, mangea une bouchée et sauta dans son auto. Elle refit le trajet qu'elle avait parcouru la veille mais elle ne reconnaissait plus le paysage. Et comme elle n'avait pas vu la maison de l'extérieur, elle ne pouvait pas l'identifier ! Elle chercha des traces, des indices mais ce fut peine perdue.
Deux mois et demi plus tard, soit le quatorze février, Laurie déambulait sur le trottoir lorsqu'elle reconnut Rosaire parmi la foule, de l'autre côté de la rue. Elle traversa en courant de peur qu'il disparaisse encore et alla se blottir dans ses bras. Ils s'embrassèrent passionnément. Puis il la regarda tendrement et lui mit quelque chose dans la main. En l'ouvrant, elle constata que c'était ses boucles d'oreilles qu'elle avait oubliées chez lui, lors de cette nuit sublime. Lorsqu'elle leva la tête, il avait disparu.
Laurie ne le revit jamais. Mais à chaque année apparaît dans son appartement, quelques jours avant les Fêtes, un magnifique arbre de Noël. Laurie sait maintenant que Rosaire était le Père Noël, mais pas le même qui apporte des jouets aux enfants. Les adultes ont aussi besoin de merveilleux, et surtout d'amour. Rosaire avait comblé les désirs de Laurie et celle-ci n'oublia jamais le merveilleux cadeau qu'il lui avait offert.