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 La tanne froide. Philippe P.

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Diane
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MessageSujet: Re: La tanne froide. Philippe P.   La tanne froide.  Philippe P. - Page 2 Icon_minitimeOctobre 6th 2008, 13:53

- Ne me dites pas qu’il s’agit d’une coïncidence, Saint Calais…
- Je vous demande pourtant de le croire, Erno… fit Dominique Saint Calais, ancien patron du Cube – branche des services secrets français – mis à la retraite anticipée à la suite d’une mission ratée ayant impliqué Frédéric Erno, frère du commissaire .
- Vraiment ?
- Je fréquente cet établissement assez régulièrement depuis que je vis retiré sur mes terres. Ma famille possède un château non loin de Chambéry, depuis 1834.
- C’est curieux : je n’imaginais pas un personnage de votre standing ayant ses habitudes dans ce genre d’endroit…
- Vous êtes bien conformiste, tout d’un coup, commissaire Erno ! Ce n’est pourtant pas votre genre… Mais figurez-vous que je viens ici simplement par nostalgie des beaux souvenirs que j’y ai laissés pendant mon adolescence…
Saint Calais s’octroya une gorgée d’alcool. Erno revint à ses moutons.
- Qu’avez-vous à m’apprendre sur le meurtre de Sylvie Fournieux ?
- Qu’est-ce qui vous laisse croire que je détiens la moindre information ?
- Ne me prenez pas pour un con : vous m’attendiez, n’est-ce pas ?
Saint Calais plongea à nouveau son visage dans le large verre au fond duquel l’alcool tournoyait en mille lourds reflets de miel. Erno eut l’impression de se trouver face à un poisson dans son bocal. Un poisson genre piranha. Saint Calais reposa son verre.
- En vérité, oui, je vous attends depuis plusieurs jours. J’ai lu vos exploits dans la presse. Comme j’ai gardé quelques contacts avec mes anciens services, je suis assez bien informé de l’avancement de l’enquête – ou de son piétinement… Je m’attendais donc à ce que vous reveniez explorer la piste Tardivel.
- Dites-moi : Couarel, l’appel anonyme, c’était vous…
- Votre intuition est toujours à la hauteur de votre réputation, dirait-on !
- La piste ne mène à rien.
- Si : à moi, en quelque sorte !
Saint Calais se pencha vers Erno.
- Tardivel et sa serveuse se sont copieusement engueulés, la veille de la disparition de cette dernière.
- Je ne crois pas Tardivel coupable.
- Qui prétend ici le contraire ?
Erno soupira. Saint Calais jouait avec lui. Erno savait que l’interroger de manière officielle serait impossible : Saint Calais disposait malgré sa disgrâce de protections solides. Erno se plia donc au petit jeu pénible de Dominique Saint Calais. Erno dut patienter. Erno dut affronter le regard moqueur, sarcastique, le regard pervers et rancunier de Saint Calais quelques minutes durant, avant que celui-ci reprenne :
- Lors de leur dispute, il a été question d’un homme…
Saint Calais replongea le nez dans son cognac. Erno lui agrippa l’avant-bras.
- J’ignore l’identité de cet homme, Erno, croyez-moi. Je sais seulement qu’il ne doit pas être de prime jeunesse. J’ai clairement entendu Sylvie dire à Tardivel que celui-ci n’était pas tellement plus jeune que l’homme mystérieux…
Erno enregistra l’information. Erno essaya de se remémorer l’âge de Tardivel. Saint Calais devina les efforts d’Erno :
- Tardivel a fêté ses cinquante-quatre ans en début d’année.
Erno se retourna vers le patron du « Quatre Sans Cul ». Pâle, celui-ci paraissait hypnotisé par la vision d’Erno attablé avec Saint Calais. Tardivel présupposait que les deux hommes parlaient de lui ; parlaient de Sylvie ; du meurtre de Sylvie. Et à quel titre son client bénéficiait-il de l’apparente oreille du commissaire ?
Erno sourit à Saint Calais.
- Quel crédit accorder à vos paroles ? Vous avez fait carrière sur l’art de la manipulation !
- Posez-vous une question simple : quel risque courez-vous à me croire ?
Erno réfléchit. Saint Calais avait raison : que risquait-il ? Erno se leva et souhaita le bonsoir à l’ancien patron du Cube. Passant devant Tardivel, il le convoqua au commissariat pour le lendemain, 9 heures.
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Diane
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MessageSujet: Re: La tanne froide. Philippe P.   La tanne froide.  Philippe P. - Page 2 Icon_minitimeOctobre 6th 2008, 13:53

Sur le trottoir, Erno huma la nuit douce, à peine troublée par l’animation estivale. Il rentra chez lui d’un pas lent ; d’un pas lourd. Erno, lui-même, se sentait lent et lourd ; pataud, naviguant à vue dans cette affaire ; ballotté de piste en piste, qui chacune se soldait par une impasse.
Une fois dans son appartement, Erno s’aperçut qu’il n’aurait pas sommeil avant quelques heures. Il s’aperçut également qu’il ne savait pas quoi faire de précis. Il s’allongea sur le canapé ; alluma la télé ; coupa le son ; zappa sur l’ensemble des chaînes numériques hertziennes ; arrêta son choix sur un film espagnol dont quelques scènes dévoilaient l’anatomie de ses brunes héroïnes.
Vincent Erno fut tenté d’appeler son frère Frédéric ; s’informer de l’avancement de son prochain album ; savoir s’il enflammait toujours son club de blues des environs de Biarritz – pour le fun… Mais Vincent se sentait incapable de parler à Frédéric sans lui dire qu’il venait de rencontrer Saint Calais. Et Vincent raviverait ainsi des plaies récentes. Et Vincent ne voyait pas pourquoi il aurait fait souffrir Frédéric… Indirectement, Saint Calais était responsable de l’altération mentale de Claire, l’ex-compagne de Frédéric ; responsable de son internement en asile psychiatrique près de Lorient, après qu’elle eût défenestré Frédéric depuis leur troisième étage. Vincent renonça à appeler Frédéric.
Etait-ce pour se faire pardonner que Saint Calais avait renseigné Erno ? Erno n’en aurait pas mis la moindre parcelle de son corps à trancher. Un homme comme Saint Calais pouvait-il être capable de remords et de regrets ? Et que lui avait-il appris ? Qu’un homme d’âge mûr faisait partie de la vie de Sylvie Fournieux… Pecq ? Chainay ? Un autre ? Erno était bien avancé…
Erno croisa les pieds sur l’accoudoir du canapé. Malgré la fatigue, son cerveau refusait de se mettre en veille. L’enquête semblait y défiler en boucle. Erno se plia à un nouveau tour d’horizon…
L’entrevue avec Saint Calais avait perturbé ses plans pour la soirée. Parti pour interroger Tardivel, il avait convoqué celui-ci pour le lendemain. Une réaction instinctive. Comme s'il avait redouté obscurément que la présence proche de Saint Calais empêche Tardivel de se livrer. Tardivel était son ultime chance. Erno en avait conscience; pleinement conscience. A tel point qu’il pressentait les affres d’une nuit blanche : ses yeux le brûlaient mais ses paupières refusaient à se clore. Erno s’intéressa quelques minutes à son film espagnol. Deux actrices y simulaient la masturbation, face à face l’une de l’autre. Puis il pressa le bouton off de la télécommande d’un doigt moins sensuel que celui des deux brunes…
Erno composa le numéro de Flavie. Malgré l’heure tardive. Le répondeur lui apprit qu’elle était absente. Pas étonnant de la part d’une pute… Dommage. Erno – outre du plaisir – éprouvait une certaine tendresse pour la jeune femme. Sans doute parce qu’elle mesurait moins de un mètre cinquante. Sans doute parce qu’il était inutile de nier que Flavie lui rappelait Claire.
Claire Lucenec…
Vincent n’avait jamais été amoureux de la compagne de Frédéric. Vincent n’avait même jamais éprouvé la moindre sympathie envers elle. Il la considérait comme un parfait prototype d’intellectuelle emmerdeuse. Vincent avait toujours toisé Claire d’un œil méfiant jusqu’à ce que l’enfer ait manqué l’engloutir. Combien de temps après l’internement de Claire, Vincent s’était-il rendu compte que son image défilait devant ses yeux, sans y être invitée, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit ? Combien de temps avait-il fallu à Vincent pour reconnaître qu’il était amoureux de Claire ? Pour s’en défendre et l’admettre enfin ? Amoureux d’une femme de quarante et un ans, d’un mètre quarante-huit pour quarante-deux kilos ; cloîtrée dans une chambre d’une dizaine de mètres carrés aux murs capitonnés ; une femme auparavant condamnée, en 1992, à cinq années de prison avec sursis pour le meurtre de son premier mari, le peintre Jacques Le Vigan (les circonstances atténuantes lui avaient certes été accordées sans équivoque)…
Lucide, Vincent se disait qu’à tout prendre il aurait mieux valu tomber amoureux d’une morte. En attendant, Vincent se contentait d’amours tarifées. A Paris déjà, il avait déniché une pute de petit gabarit… A Chambéry, il avait mis deux mois à rencontrer Flavie. Flavie se prostituait sur le Net. C’était moderne, discret, rapide. Vincent se désespérait parfois de cette morne vie sentimentale. Mais Claire occupait tout l’espace dont il disposait au creux de ses neurones amoureux. La seule femme qui ait éveillé en lui une lueur d’intérêt, c’était Delphine, la sœur de Jean-Louis Pécloz ; la jeune femme à la cicatrice et à l’œil mort. Morbide attirance. Dire que la région devait regorger de petites bourgeoises mignonnettes et délurées… et aussi consternantes que les deux actrices ibériques.
Le sommeil surprit Erno vers 3 heures du matin. L’inconfort du canapé le réveilla une heure plus tard. Erno se traîna jusqu’à son lit. Il y dormit profondément jusqu’à la sonnerie du réveil. Il était en pleine forme. Il avala deux tasses de café brûlant, un sourire idiot aux lèvres. Il avait rêvé de Delphine Pécloz sur son dernier sommeil, et les images s’inscrivaient avec netteté devant ses yeux, élégamment estompées par les volutes de fumée qui montaient de sa tasse.
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Diane
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MessageSujet: Re: La tanne froide. Philippe P.   La tanne froide.  Philippe P. - Page 2 Icon_minitimeOctobre 6th 2008, 13:53

L’interrogatoire de Tardivel n’aboutit à aucune révélation. Le patron du « Quatre Sans Cul » avoua bien s’être disputé avec Sylvie la veille de sa disparition. Tardivel reconnut avoir été au courant d’une liaison entre Sylvie et un homme d’âge mûr. Tardivel jura les onze apôtres qu’il n’en connaissait pas l’identité. Erno déploya l’artillerie lourde. Erno martela les faits : Tardivel s’était engueulé avec Sylvie ; Sylvie était la maîtresse, infidèle, de Tardivel ; Sylvie était morte, assassinée, le lendemain. Tardivel faisait un suspect idéal. Tardivel faisait un coupable idéal.
Mais Tardivel ne craqua pas. Et Erno dut convenir définitivement que la piste Tardivel s’arrêtait là. Saint Calais avait œuvré pour rien. Cela ne lui ressemblait pas. Ou alors il n’y avait réellement aucune manipulation derrière son geste…
Tardivel quitta le commissariat vers 11h30. Erno fit une brève apparition dans le bureau des inspecteurs. Consigne : il n’y était pour personne jusqu’au lendemain. Le numéro de son portable n’était qu’à composer qu’en cas d’urgence absolue doublée d’extrême importance.
Erno rentra chez lui. Après un déjeuner léger, il fit venir Flavie, enfin libre. Flavie repartie, Erno avait fermé les volets de sa chambre (avec Flavie, ça s’était passé au salon ; rapidement). Erno avait besoin de couper net ; oublier, ne fut-ce qu’une journée, cette enquête qui ne cessait de s’engluer.
Erno s’était endormi
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MessageSujet: Re: La tanne froide. Philippe P.   La tanne froide.  Philippe P. - Page 2 Icon_minitimeOctobre 6th 2008, 13:54

La presse nationale accorda un bref intérêt aux décès de Robert Chainay et Jocelyn Pecq. « Morts mystérieuses » avait titré la presse populaire, avec force sous-entendus pour la plupart fantaisistes. Quelques articles du Monde et du Canard Enchaîné avaient rappelé pour l’occasion les liens troubles qui unissaient les deux hommes. L’hebdomadaire satirique re-publia une enquête consacrée à Pecq et Chainay vieille de sept ans, enquête passée inaperçue puisque parue dans le numéro 4220 du 12 septembre 2001.
La presse locale se répandit quant à elle sur le décès de ses notables, en larges colonnes deux semaines durant. Jusqu’à ce que, le 3 août, une secousse sismique ne jette à terre une vingtaine de cheminées du Vieil Annecy en pleine matinée, faisant une victime.
Erno fit le dos rond durant les deux semaines du battage médiatique local. Il prit soin de verrouiller les relations de ses hommes avec la presse ; n’accorda lui-même que de brefs communiqués. Brefs et laconiques. En riposte à cette maigre coopération, Erno fut la cible privilégiée du Dauphiné et de Télé-Rhône-Alpes, la chaîne du service public diffusée sur le numérique hertzien. Erno n’en avait pas grand-chose à foutre. Il n’en goûta pas moins le répit que lui octroyèrent les péripéties de l’activité sismique et leur funeste conséquence.
Erno ne fut pas le seul à apprécier le brusque désintérêt de la presse pour l’affaire Fournieux et ses à-côtés : l’assassin de Sylvie Fournieux replia l’édition du Dauphiné datée du 4 août avec l’espoir raisonnable que l’enquête ne puisse aboutir.


Erno se déplaça plusieurs fois jusqu’aux Chalets Chartreux afin d’y interroger de façon informelle François Motzon et ses acolytes. Erno concentrait ses questions sur ce qu’ils auraient pu voir ou entendre, le dernier jour de juin 2008. La Tanne Froide n’était pas très éloignée de leur repaire. Mais aucun ne se souvenait de quoi que ce soit. Ni bruits étranges, ni activités suspectes. Seul le lot quotidien de randonneurs. Encore les témoignages demeuraient-ils vagues. Mais jusqu’à quel point Erno pouvait-il se fier aux réponses de Motzon et consorts ? Le 30 juin, la saison était loin de battre son plein. Le grand rush ne commençait qu’après le 14 juillet. Deux randonneurs auraient dû être remarqués. La seule hypothèse pouvant dédouaner les membres du « Nouveau Pardon » supposait que Sylvie Fournieux et son assassin avaient accédé au Margériaz par la Grotte-aux-Fées. Ce qui aurait signifié que l’assassin connaissait bien le massif.


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MessageSujet: Re: La tanne froide. Philippe P.   La tanne froide.  Philippe P. - Page 2 Icon_minitimeOctobre 6th 2008, 13:54

- Ce qui signifierait que Jean-Louis Pécloz revient sur le devant de la scène ? avança un Jacquemont rétabli. Ce n’est pas le seul guide de la région, objecta-t-il pourtant aussitôt. Et rien ne nous permet d’affirmer que seul un guide peut connaître les sentiers conduisant de la Grotte-aux-Fées jusqu’à la Tanne Froide… Allons-nous devoir suspecter chaque résident du canton ?
- Je me le demande parfois…
Erno releva la tête et félicita Jacquemont pour son emploi spontané de la première personne du pluriel. Jacquemont rosit, comme un élève timide sous les compliments de son instituteur.
- Les guides de montagnes des Bauges ont-ils structuré leurs activités ?
- Il y a une Maison des Guides à Lescheraines. Elle a été créée il y a de ça une quinzaine d’années.
- Renseigne-toi sur le nombre de guides qui y sont affiliés et sur le mode de fonctionnement de cette Maison des Guides. Ainsi que sur l’identité de chacun d’eux…


Jacquemont collecta les informations en moins d’une heure. La Maison des Guides des Bauges ne comptait que cinq membres. Deux d’entre eux étaient connus d’Erno : Jean-Louis Pécloz et Joseph Froli, celui qui avait découvert le corps de Sylvie. La Maison des Guides fonctionnait de façon simple : y étaient enregistrées toutes les demandes de sorties, aussi bien émanant de particuliers que de centres de vacances ; les cinq guides se répartissaient les randonnées et mettaient en commun leurs émoluments, redistribués en cinq parts égales à chaque fin de mois – une fois prélevés les frais généraux.
Erno et Jacquemont passèrent deux journées à interroger les guides ; sauf Pécloz. En vain. Chacun présentait un alibi valable pour la journée du meurtre. Alibis vérifiables d’après le registre comptable où était mentionnée chaque sortie des guides. Aucun ne présentait de mobile pour souhaiter supprimer Sylvie Fournieux. Aucun ne portait de soupçons qui que ce soit.
Deux journées blanches de toute information. Sauf la certitude qu’une population d’environ mille individus pouvait raisonnablement être suspectée.


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MessageSujet: Re: La tanne froide. Philippe P.   La tanne froide.  Philippe P. - Page 2 Icon_minitimeOctobre 6th 2008, 13:55

Deux semaines s’écoulèrent encore. Jacquemont prit des congés. Erno maintenait difficilement la motivation de son équipe sur l’enquête Fournieux. Sans éléments nouveaux, le découragement gagnait les rangs. Et la routine rongeait les emplois du temps : lot saisonnier de plaintes pour vol ; d’accidents de la circulation ; d’entorses aux législations régissant le commerce et le tourisme… La presse, quant à elle, avait totalement oublié l’affaire.
Erno accomplissait chaque jour l’effort nécessaire pour ne pas succomber à la facilité de l’échec. Il s’obstinait à ne pas classer le meurtre de Sylvie Fournieux. Il refusait d’obtempérer aux injonctions du juge d’instruction, pour qui le dossier présentait toutes les aptitudes au classement dans la poubelle des « Affaires non résolues ».
Deux semaines difficiles…
Heureusement pour Erno, sa sœur Catherine venait passer dix jours de vacances avec lui. Seule. Sans mari et enfants. De vraies vacances ! Comme chaque année à pareille époque. Et puisque Vincent avait été nommé dans les Alpes, Catherine comptait en profiter pour s’adonner aux joies de la randonnée. Catherine avait un don pour s’adonner aux joies de quelque espèce que ce soit. « Epicure toujours ! » aurait-elle pu brandir en étendard.
Le principe de ces vacances était défini depuis le mois de mai. Bien avant l’affaire Fournieux. Seul le hasard pouvait être invoqué lorsque Catherine s’était alors inscrite pour un programme de randonnées auprès de la Maison des Guides des Bauges… Vincent lui-même l’ignorait. Jusqu’à ce que Catherine lui en parle au soir de sa descente du TGV en gare de Chambéry.
Vincent avait manifesté son incrédulité. Catherine dut lui exhiber son forfait pour cinq randonnées. Elle avait farfouillé quelques instants encore dans sa besace en imitation peau de serpent.
- Tiens : le descriptif ! lundi matin : le col de la Fully ; mardi après-midi : les crêtes du Margériaz ; mercredi après-midi : la croix de Nivéole ; jeudi, toute la journée : le Trélod ; vendredi, encore une journée entière : le Grand Colombier…
Elle avait relevé la tête ; d’un index léger, rajusté sur son long nez la fine monture de ses lunettes.
- Tu connais tous ces coins ?
- Depuis un mois, j’étudie la carte de ce secteur chaque matin : j’ai un meurtre en plein Margériaz…
Catherine s’était rapprochée. Son regard s’était allumé.
- Un meurtre ? Raconte-moi !
Vincent s’y était préparé. Catherine était friande de la moindre de ses enquêtes. Lorsqu’il était en poste à Paris, frère et sœur épuisaient parfois leurs nuits blanches sur les éléments d’un dossier. Vincent trouvait parfois paradoxal que ce fût lui le flic, alors que depuis l’enfance Catherine vouait une passion réelle pour les affaires criminelles. En témoignait sa bibliothèque renfermant une gigantesque collection de romans policiers, polars ou romans noirs, comme ne savaient plus les désigner les éditeurs. Catherine se moquait de ces appellations ; avait dévoré tout Agatha Christie ; s’était immergée dans les œuvres complète de Simenon ; avait parcouru en apnée chaque opus de James Ellroy… Vincent se demandait encore comment Catherine avait pu renoncer à ses études pour épouser à dix-neuf ans un ancien joueur de rugby reconverti, avec succès, dans le monde de la nuit parisienne… Catherine menait depuis vingt ans la vie d’une BCBG branchée. Des amants, quelques lignes de coke à la fin des années 80, quelques aventures lesbiennes dans les années 90 : Catherine avait suivi à la lettre le code régissant son appartenance socioculturelle. Depuis 1998, elle s’était assagie en apprenant sa séropositivité.
Vincent se leva et déplia une carte des Bauges sur la table du salon. Dans le fond, il n’était pas mécontent de ressasser une fois de plus la chronologie des faits, ses déductions, ses doutes et ses maigres certitudes.
Une fois terminé l’exposé de Vincent, Catherine examina à nouveau le programme de ses randonnées.
- Dommage… Je n’ai aucune sortie prévue avec ce Jean-Louis Pécloz !
Vincent réfléchit.
- Je pense à un truc : si tu prenais rendez-vous avec Pécloz pour une rando privée après-demain dimanche ?
- Seule ? Et si c’est l’assassin ?
- Ce n’est pas lui. J’en suis certain.
- Alors pourquoi m’envoyer dans ses pattes ?
- Parce qu’en t’exposant l’ensemble des éléments de l’enquête, il m’est venu une idée… Une idée vague mais que j’aimerais creuser. Alors ça te dit ?
- Tu parles ! Etre mêlée directement à une de tes enquêtes ! Tu m’affranchis un peu sur ta vague idée ?
- Non. Désolé frangine, je préfère que tu te cantonnes dans ton rôle de touriste pleine aux as.
La montre de Catherine sonna. Catherine piocha quatre comprimés de couleurs différentes dans un petit étui et les avala.
- Comment ça évolue ?
- Plutôt bien… Didier a fait jouer ses relations et son carnet de chèques pour m’obtenir le nouveau traitement américain. Les résultats sont encourageants…
- Tu as une chance de guérir ?
- Les effets du traitement sur le long terme sont encore inconnus. Disons que j’ai bon espoir. J’ai toujours eu bon espoir, tu le sais ! Déjà que la trithérapie m’a portée jusque là…
Vincent hocha la tête. Il avait mille autres questions à poser à Catherine. Mais il ne savait pas s’il avait le droit de les poser ; même à sa sœur…
Catherine sentit l’embarras de son frère. Elle savait qu’il brûlait de lui poser d’autres questions. Sur sa maladie, sa vie, sa mort ; ses angoisses, ses peurs, ses espoirs ; ses amours passées, présentes – futures ? Vincent aurait le droit de les lui poser. Catherine le lui donnerait. Mais pas ce soir. Ni demain. Un autre jour…
Catherine botta en touche :
- Tu te lèves à quelle heure, le matin ?
- 6 heures.
- Alors je ne te verrai pas ! Mais sois tranquille : j’appellerai Pécloz à mon réveil.
Vincent sourit.
- C’est-à-dire ?
- 9 heures et demie / 10 heures…
- Alors bonne nuit…


Plus tard, comme le sommeil lui faisait faux bond, Vincent se demanda si son intuition allait le conduire vers la vérité ; ou au moins assez près pour qu’il comprenne… « Toujours suivre son intuition, à condition qu’elle soit bonne » aimait-il à répéter. De la théorie à la pratique, le dimanche suivant allait lui donner tort ou raison.
Vincent pensa une dernière fois à Catherine. De la théorie à la pratique, un jour prochain allait donner tort ou raison à l’espoir de sa sœur.
De la théorie à la pratique, un jour dernier viendra et tout le monde aura tort.


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MessageSujet: Re: La tanne froide. Philippe P.   La tanne froide.  Philippe P. - Page 2 Icon_minitimeOctobre 6th 2008, 13:55

Vincent posa la main sur l’épaule de Catherine :
- Ne le drague pas trop, quand même…
- S’il me plaît, je ne réponds de rien… Dis-toi bien que dans les montées, nos fesses vont rouler sous le nez de l’autre !
- Euh oui… Et justement, tu es obligée de porter ce short ?
Catherine cligna de l’œil.
- Il te fait de l’effet, à toi aussi ? Quand je l’ai vu, je n’ai pas pu résister à l’acheter ! Il n’a qu’un seul défaut : sa coupe est tellement… ajustée, qu’elle réclame une épilation parfaite !
Vincent secoua la tête. Mais c’était cette Catherine qu’il aimait. Et plus le temps passait, plus il l’aimait. Rien à voir avec une quelconque compassion : Catherine faisait si peu cas de sa maladie qu’il parvenait à l’oublier ; parfois. Et elle, lui arrivait-il de l’oublier ?
Catherine vérifia son sac. Elle déclara être prête. Elle grimpa dans la voiture de Vincent, balança son sac à l’arrière. Un salut de la main. L’automobile disparut dans le petit matin.
Erno se remua les fesses. Il n’avait pas de temps à perdre. Il rejoignit le commissariat au pas de course et se logea derrière le volant d’une vieille 206 banalisée.
Il conduisit prestement jusqu’à Aillon-le-Vieux ; se gara peu après 8 heures devant la maison des parents de Jean-Louis Pécloz. Erno aperçut Yvette, la mère, le nez derrière ses carreaux. Puis Jacques, son mari, ouvrit la porte.
- C’est Jean-Louis que vous cherchez ? Il est pas là.
- Non. C’est vous que je viens voir…
L’ancien guide fronça les sourcils.
- Alors entrez : vous allez prendre un café.
Erno accepta. Il s’attabla dans la cuisine, devant un bol de café fumant, très noir, qu’il avala à gorgées prudentes.
- Vous vouliez me voir pour quoi ?
- J’aimerais que vous me conduisiez sur les crêtes du Margériaz.
- Aujourd’hui ?
- Ce matin.
- Je ne suis plus guide.
- Vous l’avez été. Ça me suffit. Ne me dites pas que vous ne connaissez pas le moindre recoin de cette montagne…
Pécloz soupira.
- Vous êtes équipé ?
- Une paire de chaussures de randonnées, un sac à dos avec de l’eau, des fruits secs, un pull et un k-way. Ça ira ?
- Casquette ?
- Casquette.
- Alors ça ira…
La porte de la cuisine s’ouvrit. Delphine Pécloz se servit un bol de café sans un mot. Elle se posta face à Erno. Elle ne portait qu’un long tee-shirt tombant à mi-cuisse. Au gré de ses mouvements, des rondeurs y inscrivaient brièvement leur empreinte. Erno essaya de déglutir à peu près normalement. Delphine possédait des mollets superbes. Erno y était sensible, aux mollets – plus qu’aux cuisses ! Delphine possédait des genoux superbes. Erno savait que ce n’était pas donné à toute, d’avoir de si beaux genoux !… Delphine le toisa durement. Erno soutint l’âpreté de l’œil unique. Ses mains tremblaient. Delphine le fascinait ; Dieu que cette femme le fascinait… Et comme elle aurait fasciné Schiele…
- On a juste un problème, fit Pécloz, interrompant l’étrange face à face entre sa fille et le commissaire. On va devoir prendre votre voiture : j’ai prêté la mienne à Jean-Louis, la sienne est en panne.
- Pas de problème, fit Erno.
- Alors, on démarre quand vous voulez. Mais le plus tôt sera le mieux.
Erno se demanda si ces propos contenaient une réprobation quant à son attitude vis-à-vis de Delphine. Quoi qu’il en soit, c’était l’heure d’y aller et ce n’était pas le moment de rectifier l’emploi systématique du « on » par Jacques Pécloz. Erno se leva, posa son bol dans l’évier ; dit au revoir à Delphine. Elle ne desserra pas les dents.
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MessageSujet: Re: La tanne froide. Philippe P.   La tanne froide.  Philippe P. - Page 2 Icon_minitimeOctobre 6th 2008, 13:56

Jacques Pécloz indiqua la route à suivre. Erno roula dix minutes avant de se garer sur le parking du stade de neige du Margériaz. Le soleil, réfléchi par le calcaire blanc, cingla les rétines d’Erno. Pécloz, habitué, avait depuis un bon bout de temps chaussé ses lunettes noires.
La randonnée commença. La pente était faible. Le sol constituait l’unique difficulté de la marche : un amas de cailloux instables, aux arêtes vives.
- C’est curieux par ici, fit Erno en désignant le paysage. Ça ressemble à un sol lunaire passé au minium…
- Connerie pour touristes, répliqua Pécloz.
- Pardon ?
- Ils ont fait sauter le calcaire du Margériaz, il y a de ça plus de vingt ans, afin que la neige tienne mieux en hiver… Ici, avant, c’était comme partout autour : une forêt de conifères. Mais après deux hivers consécutifs assez doux, ils ont massacré le site pour faire leur stade de neige… Et la neige ne tient pas mieux pour autant. Tous les gens du coin les avaient prévenus : la végétation est le meilleur élément pour tenir la neige. Mais ils n’ont rien écouté. C’est une véritable catastrophe écologique. L’herbe ne repousse plus, sauf à la réimplanter… Ce qu’ils commencent à faire, d’ailleurs ! Mais ça coûte…
- Vous étiez guide à l’époque ?
- Oui.
- Et opposé au dynamitage…
- Oui.
- Et « ils », ceux qui ont décidé la création du stade de neige, c’est qui ?
Pécloz se retourna :
- Vous le savez parfaitement.
Erno se porta à hauteur de Pécloz.
- Franchement non.
Pécloz s’arrêta et fixa Erno, cherchant à déterminer la part de bluff.
- Le principal artisan de cette connerie s’appelait Robert Chainay…
Erno et Pécloz reprirent leur ascension. Sans plus mot dire. En moins d’une demi-heure, ils atteignirent le sommet, au Golet de l’Agneau. Une déclivité s’offrit devant eux – sous eux. Une déclivité abrupte de huit cents mètres. Erno recula d’un pas. Non seulement il souffrait du vertige en certaines occasions, mais il préférait se méfier de Pécloz. Erno se maîtrisa. Pécloz saisit sa gourde et se rafraîchit. Erno l’imita. Immobiles, les deux hommes admiraient le paysage. Chacun attendait que l’autre se livre. Erno se lança – un ballon d’essai :
- Vous êtes en forme, dites donc !
- Je marche tous les jours.
- A votre âge, quand même… Vous avez bien soixante et un ans, n’est-ce pas ?
Pécloz grogna. Il réajusta son sac à dos.
- On continue ?
Erno hocha la tête. Ils suivirent la ligne de crête, tout au long du Roc de Margériaz. Les chaussures neuves d’Erno commençaient à le blesser. Pécloz le remarqua ; ne s’en étonna pas. Il avait jaugé l’inexpérience d’Erno dès le début : enjambées trop longues et trop de bavardages ; en montée, on se tait, ou alors on est en parfaite condition physique ; rien ne doit distraire les poumons de pomper l’air à fond, oxygéner les muscles, expulser les toxines ; parler, oui, mais pendant les pauses, une fois le souffle repris ; parler, oui, mais dans les descentes, et sans que la conversation ne perturbe la concentration nécessaire au bon placement des pieds à chaque pas ; combien de foulures, combien d’entorses, de fractures ou de chutes, parce qu’emporté par la discussion, le pied ne voit pas la pierre qui roule, la souche qui affleure ou la mousse qui glisse et savonne la pente.
Parvenu à hauteur du téléski de La Bergerie, Pécloz voulut continuer tout droit jusqu’au col de la Verne, par La Couleuvre, et rejoindre ensuite le GR 96 du Tour des Bauges. Erno l’arrêta.
- Nous allons prendre par ici, si vous voulez bien.
- Où voulez-vous en venir ? fit Pécloz, les yeux dans les yeux.
- Vous savez où conduit ce sentier ?
- Evidemment : à la Tanne Froide. Là où la petite a été retrouvée morte.
- Alors, allons-y.
Erno avait étudié la carte. La Tanne Froide se composait de trois gouffres, à moins de dix minutes d’où ils se trouvaient.
Ils contournèrent les Chalets du Margériaz et pénétrèrent dans la forêt. Dès la sortie du premier virage, un filet orange protégeait les promeneurs de la chute au fond d’un gouffre.
Erno s’arrêta à nouveau :
- S’il vous plaît.
Pécloz se retourna.
- C’est ici qu’elle a été retrouvée… dit Erno.
Pécloz remonta de quelques mètres jusqu’à Erno.
- Je sais.
Erno scruta la moindre crispation sur le visage de Pécloz.
- Votre fils ne l’a pas tuée, n’est-ce pas ?
- Vous le savez bien.
- Qui, alors ?
- C’est votre boulot de trouver le nom de celui qui a fait ça. Pas le mien.
Erno se brûla les rétines, mais pas un cillement, pas un tic, ne vint trahir le moindre trouble chez Pécloz.
- Vous saviez qu’elle était la maîtresse de Jean-Louis…
- Oui.
- Vous la connaissiez ?
- Non.
Pécloz alluma une cigarette.
- C’est un interrogatoire ? Vous me soupçonnez ?
- Oui.
- C’est idiot.
- Un témoin affirme que Sylvie Fournieux avait un amant « d’âge mûr »…
- Et vous croyez que c’est moi ?
- Pourquoi pas ?
- C’est idiot, répéta Pécloz. Il jeta sa cigarette d’un mouvement nerveux.
Erno sentit un voile rouge lui brouiller la vue. En écrasant sa cigarette avant de l’avoir terminée, Jacques Pécloz venait pour la première fois de se trahir. Erno savait à présent : Jacques Pécloz avait été l’amant de Sylvie. Restait le plus difficile : le lui faire avouer.
Pécloz se remit en marche sans demander son avis à Erno. Ils dévalèrent le sentier forestier jusqu’au carrefour dit La place à Baban, tournèrent à main gauche et rejoignirent en un quart d’heure le parking où les attendait l’antique 206.
Erno s’empressa d’ôter chaussures et chaussettes. Orteils, chevilles et talons étaient à vif. Erno enfila ses tennis avec précaution ; apprécia leur confort avec volupté. Puis il vida sa gourde.
- Que dira votre épouse lorsque je vais lui annoncer votre liaison avec Sylvie ?
- Vous ne le lui direz pas, fit Pécloz sans s’énerver.
- Qu’est-ce qui m’en empêchera ?
Pécloz s’alluma une nouvelle cigarette.
- Ce n’est pas votre genre…
- Et ce serait quoi mon genre, d’après vous ? ricana Erno, néanmoins troublé. Troublé, parce qu’effectivement il n’entrait pas dans ses intentions de révéler à Yvette Pécloz ce qui n’était pour l’instant qu’une intime conviction, non étayée.
- Je ne sais pas. Mais pas le genre à détruire quelqu’un sans preuve. Et vous ne possédez aucune preuve. Et puis…
Pécloz tira sur sa cigarette.
- …Et puis ?
- Vous êtes amoureux de Delphine…
Erno accusa le coup. Il s’installa au volant, mit le contact. Pécloz dut se dépêcher de grimper à bord.
Pas un mot. Pas un regard. Erno pila devant la maison de Pécloz. L’ancien guide descendit. Erno resta au volant. Demi-tour rapide. Erno eut le temps d’apercevoir le visage de Delphine à la fenêtre. Il le garda en surimpression dans le cadre du pare-brise jusqu’à Chambéry.
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MessageSujet: Re: La tanne froide. Philippe P.   La tanne froide.  Philippe P. - Page 2 Icon_minitimeOctobre 6th 2008, 13:57

Vincent prit une douche puis soigna ses pieds. Il attendit le retour de Catherine en écoutant la valse lente des actus de France-Infos. Rien de neuf sous le soleil. Effet de serre à la verticale de quelques mégapoles, alpinistes victimes d’orages, rafale de contrôles positifs lors des championnats du monde d’athlétisme…
Vincent s’assoupit, les bras en croix sous la tête. La sonnette de la porte d’entrée le réveilla. Catherine, enfin.
Vincent l’accueillit d’un « Alors ! Toujours vivante ? »
Catherine répliqua d’un « Ah, ah » faussement consterné. Catherine se déchaussa et prit la direction de la salle de bain. Vincent la regarda se dévêtir et se glissa sous la douche. Elle avait encore de beaux seins ; son ventre s’était amolli, peut-être… Vincent fut satisfait de constater que le sida n’y avait pas apposé encore ses stigmates. Pas encore…
- C’est un garçon charmant, tu sais ?
Vincent hurla sa réponse pour couvrir le bruit de la douche :
- C’est ce que devait penser Sylvie Fournieux !
- Je croyais que tu m’avais dit et redit qu’il était innocent !
Vincent passa à autre chose.
- Qu’est-ce que tu veux boire ?
- Comme toi : Campari-soda !
Vincent quitta la salle de bain, ravi. Simplement parce que Catherine appréciait le Campari-soda. Il remplit deux verres du mélange doux-amer et attendit qu’elle en ait fini avec sa douche.
Catherine réapparut, vêtue d’un ensemble bermuda/chemisier en toile écrue. Elle souriait.
- Il nous en est arrivé une bien bonne, figure-toi !
Vincent ferma les yeux. Vincent était prêt à parier tout l’or, l’argent et le bronze du monde olympique que Catherine allait lui narrer par le menu sa désopilante partie de jambes en l’air avec Jean-Louis Pécloz.
Il avait tort.
- Raconte, fit-il en trempant ses lèvres dans son verre.
- Pécloz a dû emprunter la voiture de son père, la sienne était au garage, en panne…
- Je sais.
- Comment ça : tu sais ?
- Laisse tomber. Continue…
- Donc : nous prenons la voiture du père. Moins de cinq minutes après le départ, on tombe sur une vache en plein milieu de la route…
- Vous tombez…
- Ah ! non ! S’il te plaît, tu oublies ce genre de réflexion ou j’arrête tout de suite !
- Si c’est pour que ton histoire finisse par « il s’est mis à poil, je me suis mise à poil, il m’a baisée et rebaisée… », tu peux aller directement au point final, en effet…
Catherine secoua la tête.
- T’es con ou quoi ? C’est pas ça du tout… Qu’est-ce que tu crois ? Que je pense qu’à ça ?
- Parce que tu ne penses pas qu’à ça ?… Bon, allez : continue…
Catherine fixa Vincent quelques secondes avant de reprendre. Vincent comprit que s’il l’interrompait une fois encore, il ne saurait pas le fin mot de son histoire. Vincent accepta les termes de ce marché implicite.
- Re-donc : une vache qui barre le passage. Pécloz s’arrête, attend deux trois secondes. La vache ne bouge pas. Qu’est-ce que tu aurais fait, toi ?
- Moi ? J’aurais klaxonné…
- Lui aussi. Il veut klaxonner. Il appuie au centre du volant – sa vieille guimbarde date d’avant l’invention de l’Airbag : rien ! Nouvel essai : rien ! Il donne un grand coup de poing dans le klaxon. Résultat : un « pouet » ridicule ! Le fou rire nous prend… Pendant tout ce temps, la vache n’a pas bougé d’un sabot et nous contemple d’un œil paisible. On se calme. Pécloz descend de la voiture, prend la vache par les naseaux et la guide vers le bord de la route. Il s’essuie les doigts dans l’herbe en m’adressant une belle grimace…
Vincent était à deux doigts de bâiller et de se rendormir. Il se contint. Catherine poursuivit :
- La route dégagée, Pécloz démarre et nous voilà rendus à destination un quart d’heure plus tard, au pied des Tours de Saint-Jacques. Et là, Pécloz tambourine à nouveau sur le klaxon. Toujours « pouet, pouet ». Moi, je m’attends à ce qu’il laisse tomber mais ce garçon semble persévérant. Il entreprend de déboîter la partie centrale du volant. Deux trois tractions sur la plaque de plastique mou et voilà le klaxon mis à nu. Et voilà mon Pécloz qui tire une de ces trombines ! Je m’approche. Devine ce qui empêchait le klaxon de fonctionner ?
- La queue de la vache de tout à l’heure… proposa Vincent.
Catherine ignora le manque d’entrain de Vincent :
- Trois préservatifs ! Pécloz ne savait pas où se mettre ! N’oublie pas : c’était la voiture de son père !
Catherine observa Vincent. Vincent se décomposait comme tout à l’heure Jean-Louis Pécloz s’était décomposé.
- Qu’est-ce que tu as ?
- Trois préservatifs… murmura Vincent. Trois préservatifs que Jacques Pécloz dissimulait dans sa voiture…
Vincent se leva, se tapa dans les mains et se rua sur le téléphone. Appel aux hommes de garde du commissariat. Ordres : envoyer deux hommes venir le chercher avec une voiture de service ; dégoter le juge et lui faire signer un mandat à l’encontre de Jacques Pécloz ; prévenir Jacquemont, qu’il le rejoigne chez Jacques Pécloz, à défaut chez le fils !
Vincent raccrocha, en transes. Catherine avait suivi la scène sans broncher ni rien comprendre.
- Tu m’expliques ?
Vincent parut tomber d’un rêve.
- Les préservatifs : c’est par eux que je tiens Jacques Pécloz ! Grâce à toi !
- Et à la vache !
- Et à la vache…
- Si je comprends bien, tu me laisses en plan ?
- Totalement ! Une voiture vient me prendre et je file passer les menottes au père Pécloz !
- Je ne pourrais pas t’accompagner ?
- Désolé, c’est non. Mais tu auras droit à tous les détails ce soir. Euh non, disons plutôt demain soir : et je t’invite pour un dîner de gala dans un fabuleux restaurant à Bourdeau, sur les rives du Bourget. Ça marche ?
Catherine inclina la tête, haussa les sourcils.
- C’est toi le chef…
Vincent s’apprêta à féliciter Catherine pour la justesse de son appréciation mais un coup de sonnette l’en empêcha. Le brigadier Roque s’inscrivit dans l’encadrement de la porte, le mandat signé par le juge plié en deux entre index et majeur de sa main droite.
- On y va, Roque !
- Qui ça « on » ? osa faire remarquer Roque devant l’évidente bonne humeur d’Erno.
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MessageSujet: Re: La tanne froide. Philippe P.   La tanne froide.  Philippe P. - Page 2 Icon_minitimeOctobre 6th 2008, 13:57

Interpellation sans heurts. Jacques Pécloz ne broncha pas. Jacques Pécloz n’opposa aucune résistance. Les policiers se ruèrent sur l’automobile, arrachèrent le klaxon, s’emparèrent des préservatifs ; les mains gantées de caoutchouc – du ton sur ton…
Jean-Louis Pécloz réagit :
- La fille de ce matin, c’est quelqu’un de chez vous ?
- Pas vraiment. Mais il se trouve que je la connais bien…
- Quelle importance peuvent présenter pour vous ces trois préservatifs ?
- Votre père vous expliquera…
Jacquemont survint au moment où Jacques Pécloz grimpait à l’arrière de la voiture de service.
- Vous l’embarquez pour quel motif ? demanda-t-il.
- Présomption de meurtre sur la personne de sa maîtresse, Jacquemont. Sylvie Fournieux était aussi la maîtresse du père.
Pécloz intervint. Pécloz ouvrit la bouche pour la première fois depuis l’arrivée des policiers.
- C’est idiot, fit-il.
- L’enquête l’établira.
L’auto démarra. Jean-Louis demeura bras ballants sur le seuil de la maison familiale. Yvette et Delphine demeurèrent à leur poste d’observation – derrière la fenêtre.
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MessageSujet: Re: La tanne froide. Philippe P.   La tanne froide.  Philippe P. - Page 2 Icon_minitimeOctobre 6th 2008, 13:58

Commissariat de Chambéry. Bureau d’Erno. Fenêtre ouverte sur fin de journée estivale. L’interrogatoire de Jacques Pécloz cheminait sur sa quatrième heure.
Erno récapitula ; méthode ordinaire pour trouver un second souffle ; méthode ordinaire pour ne pas jeter l’éponge – pas encore.
- Reprenons : vous reconnaissez avoir été l’amant de Sylvie Fournieux ?
- Oui.
- Vous reconnaissez avoir caché cette liaison à votre fils.
- Oui.
- Votre fils était-il l’amant de Sylvie Fournieux ?
- Oui.
- Pouvez-vous justifier de votre emploi du temps pour la journée du 30 juin 2008 ?
- Non.
- Pourquoi ?
- J’ai oublié.
- Vous maintenez cette déposition ?
- Oui.
- Vous avez tort…
- Pourquoi ? Quelles charges allez-vous présenter au juge contre moi ? Quel mobile j’aurais eu d’assassiner une jeune femme qui avait consenti à m’accorder quelques moments de bonheur ?
- De bonheur ou de plaisir ?
Pécloz réfléchit à la question. Erno la balaya d’un revers de main.
- Oubliez ! Nous ne sommes pas ici pour philosopher… Vous avez dit « consenti ». Pourquoi ce terme ?
- Sylvie ne s’était pas jetée d’elle-même dans mes bras.
- Vous l’avez forcée ?
- Qu’allez-vous imaginer ? ! Je la payais, rien de plus.
- Vous accusez la victime de s’être livré à une forme de prostitution ?
- Cela s’y apparentait…
- Connaissez-vous l’existence d’autres « clients » de Sylvie ?
- Oui.
- Leur identité ?
- …
- Robert Chainay ? Jocelyn Pecq ?
- Oui. Les deux.
- Reconnaissez-vous avoir été en conflit avec ces deux hommes au cours de la réalisation du stade de neige du Margériaz ?
- Quel rapport ?
- Jocelyn Pecq et Robert Chainay sont morts parce que l’enquête sur le meurtre de Sylvie m’a conduit sur leur piste. Ma conviction est que Sylvie faisait chanter Pecq et Chainay. Pecq lui avait remis fin juin un chèque de 35000 euros.
Erno s’accroupit devant Pécloz.
- Est-ce que Sylvie vous faisait chanter ?
- Et pour quelles raisons ?
- Il existe plusieurs hypothèses. A commencer par la plus classique : menacer de révéler votre liaison à votre épouse… Pécloz, avez-vous remis sous la contrainte de l’argent à Sylvie Fournieux ?
- Non…
- Je vais ordonnancer une expertise de vos comptes bancaires. Maintenez-vous n’avoir jamais remis de l’argent à Sylvie ?
Pécloz baissa les yeux. Pour la première fois.
- Elle a effectivement menacé de parler à ma femme…
- Combien ?
- Mille euros.
- C’est peu en regard de ses exigences envers Pecq.
- Je devais lui remettre une somme plus importante…
- Quand ?
- Début juillet.
Pécloz redressa la tête.
- Vous êtes satisfait ? Vous voilà avec un suspect idéal, doté d’un mobile limpide… Mais je vous jure que je n’ai pas tué Sylvie, commissaire ! Si j’étais coupable, jamais je ne vous aurais avoué devoir lui remettre une forte somme à une échéance qui correspond avec sa mort...
L’argument tenait. Erno en convint. Erno le garda pour lui.
- Si vous n’êtes pas l’assassin, vous m’offrez votre fils comme suspect numéro un. Sylvie ne le faisait pas chanter, lui. La manipulait-il ? Etaient-ils complices dans l’exercice de ces différents chantages ? Jean-Louis aurait-il éliminé Sylvie parce qu’elle devenait dangereuse pour lui ?
- Jean-Louis est incapable de tels agissements…
- C’est bien mon avis aussi. Alors… fit Erno en ouvrant ses mains comme un livre.
- Alors vous ne voyez que moi…
- Exact.
- Vous en êtes persuadé ? Vraiment persuadé ?
Erno ne répondit pas. L’interrogatoire, c’était lui qui le menait. Et l’interrogatoire était terminé.
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MessageSujet: Re: La tanne froide. Philippe P.   La tanne froide.  Philippe P. - Page 2 Icon_minitimeOctobre 6th 2008, 13:58

Jacques Pécloz passa une première nuit en garde à vue. Erno rentra chez lui. Tard. Catherine dormait. Erno s’installa sur le canapé. Délaissa le Campari-soda pour une poire Williams à 40°.
Quelque chose clochait. Encore. Pécloz n’avait pas tort. Sa culpabilité n’était pas prouvée. Les présomptions d’Erno pouvaient se trouver fragilisées par le moindre élément nouveau. Le problème était de mettre le doigt sur cet hypothétique élément nouveau. Erno fit ricocher la question dans les moindres recoins de sa cervelle. Aucune étincelle n’en jaillit. En désespoir de cause, Erno décida d’aller le lendemain éplucher les archives départementales concernant le stade de neige du Margériaz. Peut-être y débusquerait-il une connexion Chainay-Pecq/Pécloz, un lien secret qui leur aurait explosé à la figure vingt ans plus tard ?
Erno s’endormit sur le canapé.


Vincent se réveilla tôt. La poire Williams lui laissait un goût âpre au palais. Douche rapide. Petit-déjeuner sur le pouce. Vincent quitta son appartement pour les archives départementales avant le réveil de Catherine. N’ayant qu’une randonnée l’après-midi à son programme, celle-ci s’offrait une grasse matinée.
Erno ne découvrit rien de probant aux archives. Pécloz s’était opposé au projet du stade de neige ; rien de plus. Aucune allusion, aucun indice permettant de croire à un quelconque arrangement afin d’obtenir son silence. D’ailleurs, Erno n’y croyait pas vraiment. D’ailleurs, Erno ne croyait plus vraiment en la culpabilité de Jacques Pécloz.
Il prit le chemin du commissariat avec pour intention de chahuter Pécloz une dernière fois. Pour le cas où… Sans conviction.
Erno n’eut pas besoin de recourir à cette ultime séance. Quelqu’un l’attendait au commissariat.
Yvette Pécloz se leva à l’entrée d’Erno.
- C’est moi, commissaire…
Yvette Pécloz soupira ; poursuivit :
- Je sais : ça peut paraître ridicule, à mon âge… Mais lorsque j’ai appris que Jacques me trompait avec cette… La jalousie, vous comprenez ?
Erno l’emmena par la main jusqu’à son bureau.
Yvette Pécloz donna tous les détails, fournit toutes les explications. Comment elle avait fixé rendez-vous à Sylvie près de la Tanne Froide ; comment elle avait préparé le piège, délaçant le filet de protection sur une demi-longueur ; comment elle avait profité de la surprise pour assommer Sylvie, puis la bâillonner avec ses chaussettes ; lui attacher les mains ; balancer son corps dans le gouffre…
Un simple et violent crime passionnel.
Jacques Pécloz recouvra sa liberté. Une liberté qui n’avait que peu de sens.
Erno confia les conclusions de son enquête au juge d’instruction. Son boulot était terminé.
Catherine eut droit à tous les détails au cours du dîner promit par Vincent. A la fin du récit, elle lui annonça qu’elle ne croyait pas en la culpabilité d’Yvette.


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MessageSujet: Re: La tanne froide. Philippe P.   La tanne froide.  Philippe P. - Page 2 Icon_minitimeOctobre 6th 2008, 13:59

Le procès se déroula huit mois plus tard. Un vent glacial balayait les Bauges, faisant ressembler le massif à l’un de ses cousins scandinaves.
Les jurés refusèrent à Yvette les circonstances atténuantes. La préméditation était trop accablante. L’argent, que Sylvie Fournieux s’apprêtait à extorquer à Jacques Pécloz rendait possible un mobile supplémentaire à la simple jalousie ; un mobile sordide. Le plateau de la balance penchait trop lourdement du mauvais côté. Le verdict tomba. Sans surprise. Sans émotion. Quinze ans.
Erno était présent à l’énoncé de la sentence. Il n’eut d’yeux que pour Delphine Pécloz. Lorsque leurs regards se croisèrent, Delphine fixa Vincent avec sa dureté habituelle ; son hostilité sauvage.



***



Ce même printemps 2009, Erno arrêta François Motzon et ses acolytes, pour viols et meurtres multiples.
Erno l’avait deviné. Le flic Erno l’avait pressenti. Par la force d’un harcèlement tenace, Erno avait fait craquer Axelle Buy. Les victimes, toutes de sexe féminin, étaient des marginales, proies faciles ferrées par Motzon entre Annecy et Grenoble. Une fois encore les faibles moyens de la justice avaient rendu impossible le recoupement de fichiers informatiques. Sans quoi, le « Nouveau Pardon » n’aurait pas sévi si longtemps.
Après asservissement, Motzon et sa bande pratiquaient le viol multiple sur leurs victimes. Le mélange et la multiplicité des actes avaient pour but de brouiller d’éventuelles investigations scientifiques et de déjouer toute recherche d’ADN. Heureusement qu’Erno avait su manœuvrer Axelle Buy…
Les corps des victimes étaient ensuite balancés dans les différentes tannes de la région. Ceci expliquait le vent de panique quand Erno avait interrogé les adeptes du « Nouveau Pardon » dans le cadre de l’enquête sur la mort de Sylvie Fournieux. C’était cet affolement qu’Erno avait capté.
Tous les gouffres du Margériaz furent explorés. Cinq corps furent remontés en surface. La conservation de certains corps s’avéra étonnante. Il est vrai que le fond de certaines tannes n’étaient qu’un tapis de glace et de neige.
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MessageSujet: Re: La tanne froide. Philippe P.   La tanne froide.  Philippe P. - Page 2 Icon_minitimeOctobre 6th 2008, 13:59

Fin mai 2009, Erno se rendit au domicile de Jacques Pécloz. L’homme avait autant pris les quinze ans que son épouse. Pécloz était entré d’un coup dans la vieillesse ; le contraste était brutal. Erno ne reconnaissait qu’à peine l’homme qui parcourait sans ciller ses cinq kilomètres chaque matin un an plus tôt ; l’homme qui avait eu Sylvie Fournieux pour dernière maîtresse…
Erno posa la main sur l’épaule de Pécloz.
- Votre fille est là ?
- Qu’est-ce que vous me voulez ? répondit une voix sèche dans le dos d’Erno.
Delphine arrivait du jardin, une salade à la main.
- Je voudrais vous parler… Erno se tourna vers Jacques Pécloz. « Seule » précisa-t-il.
- Je suis occupée. Désolée.
Erno s’approcha de Delphine. Erno lui serra l’avant-bras. Murmura :
- Je vous conseille de m’écouter : vous allez venir faire quelques pas avec moi dans le vallon.
Delphine se libéra de l’emprise d’Erno, tourna les talons, rentra chez elle. Elle en ressortit trente secondes plus tard. Elle avait enfilé un pull. Elle emboîta le pas d’Erno, silencieuse, butée. Erno garda le silence, lui aussi. Ils marchèrent ainsi, côte à côte, cinq minutes avant que Delphine s’impatiente :
- Je croyais que vous aviez quelque chose à me dire ?
- Pour être précis : j’ai quelque chose à vous montrer…
Erno sortit de sa poche un sac plastique ; le tendit à Delphine.
- Vous le reconnaissez ? demanda Erno.
Pas de réponse.
- Vous avez suivi l’enquête sur la secte du « Nouveau Pardon » ?
Pas de réponse.
Erno poursuivit.
- Nous avons été dans l’obligation de pratiquer des fouilles dans chacune des tannes du Margériaz. Y compris la Tanne Froide… Celle au fond de laquelle a été retrouvé le corps de Sylvie Fournieux…
Erno reprit la poche en plastique des mains de Delphine.
- C’est là que nous l’avons trouvé, fit Erno en extrayant l’œil de verre. Il le fit jouer dans la lumière. Erno s’arrêta de marcher. Du bras, il força Delphine à s’arrêter aussi.
- Vous savez ce que je crois : vous étiez deux près de la Tanne Froide en juin dernier. Deux à attendre Sylvie Fournieux. Les aveux de votre mère falsifient la vérité sur un point précis : elle n’est pas assez robuste pour avoir tué Sylvie. Vous lui avez apporté votre concours… Je me trompe ?
- Non.
Erno parut comme soulagé. Erno sourit. Il fit sauter l’œil de verre dans le creux de sa main. Puis il le lança de toutes ses forces dans les eaux vives du nan. Delphine Pécloz suivit la trajectoire de son œil. Elle le vit disparaître dans un petit champignon d’écume. Elle se tourna vers Erno, attendant une explication.
Erno enfonça ses mains dans ses poches.
- Ne me demandez pas pourquoi : je ne le sais pas trop moi-même… Je me dis peut-être qu’un seul malheur suffit à chacun d’entre nous.
Erno aurait aimé ajouter autre chose ; une note plus positive. Mais il se tut.
Delphine sourit. Une mince amorce de sourire, certes, mais c’était la première fois qu’Erno la découvrait autrement que tendue à l’extrême. Cela suffit à son bonheur pour la journée.


FIN
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Renaud
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MessageSujet: Re: La tanne froide. Philippe P.   La tanne froide.  Philippe P. - Page 2 Icon_minitimeOctobre 9th 2008, 23:12

Je n'avais pas encore trouvé le temps de le lire et je le trouve exellant.Un très bon suspence,fameux.J'ai eu beaucoup de plaisirs à le lire et j'ai bien fait d'avoir attendu car je n'aurais pu arrêter ma lecture en chemin.

C'est le deuxième roman de Phillippe P. que je lis et je me demande pourquoi une de ces héroines est défigurée de la même façon dans chacun d'eux ainsi que la facination de son personnage principal pour cette cicatrice.
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lallokukpa
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MessageSujet: Re: La tanne froide. Philippe P.   La tanne froide.  Philippe P. - Page 2 Icon_minitimeOctobre 11th 2008, 14:11

renaud a écrit:
Je n'avais pas encore trouvé le temps de le lire et je le trouve exellant.Un très bon suspence,fameux.J'ai eu beaucoup de plaisirs à le lire et j'ai bien fait d'avoir attendu car je n'aurais pu arrêter ma lecture en chemin.

C'est le deuxième roman de Phillippe P. que je lis et je me demande pourquoi une de ces héroines est défigurée de la même façon dans chacun d'eux ainsi que la facination de son personnage principal pour cette cicatrice.

bonsoir,

je n'ai pas de réponse à cette question: je ne connais personne défigurée ou borgne... c'est donc juste une idée de création... parfois, les personnages naissent d'une scène... pour Delphine dans la Tanne froide, j'ai eu cette idée de l'oeil de verre comme preuve du culpabilité - il me fallait donc un coupable borgne !

une anecdote cependant - presque 10 ans après avoir créé ces héroïnes, j'ai rencontré ma future seconde épouse, laquelle un an plus tard a failli perdre un oeil suite à un décollement de la rétine... juré, craché: je n'y suis pour rien !!!

merci pour vos encouragements
merci à Diane pour la diffusion
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Daniel_f
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Daniel_f


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MessageSujet: Re: La tanne froide. Philippe P.   La tanne froide.  Philippe P. - Page 2 Icon_minitimeOctobre 11th 2008, 14:15

Très agréable à lire... Merci pour les bons moments que vous nous donnez! BRAVO! BRAVO! BRAVO!
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MessageSujet: Re: La tanne froide. Philippe P.   La tanne froide.  Philippe P. - Page 2 Icon_minitime

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