Eaux profondes

Eaux profondes


Émilie ne se sent pas bien. Elle se sent rarement bien. Tout lui est difficile. Ses quarante-huit ans lui semblent de plus en plus lourds à porter. Elle est fatiguée, si fatiguée.

Mais rien ne paraît. Le matin, elle revêt sa deuxième peau, celle des apparences, et sort dehors affronter le regard des autres. Elle a envie de pleurer, elle se force à sourire. Elle voudrait se cacher mais s'affiche stoïquement. Elle semble calme alors que son intérieur est pire qu'une mer démontée. Tout le monde la croit heureuse alors qu'elle souffre profondément.

Émilie a souvent l'impression de s'enliser dans des sables mouvants. Elle est si fragile à l'intérieur, le noyau n'est pas solide. Mais elle donne tellement bien le change que tous pensent qu'elle est forte, y compris son thérapeute.

Ce soir, c'est pire que d'habitude. Des images de sa vie défilent dans sa tête, une vie faite de perpétuels recommencements. Des unions brisées, le décès d'êtres chers, dont un de ses enfants, la pauvreté, la solitude. Une sensibilité à fleur de peau qui la fait pleurer souvent.

Elle a toujours été une inadaptée sociale. La vie lui a constamment demandé de jouer à la guerre alors que ses plus chers désirs étaient de respirer l'arôme des fleurs et de contempler les étoiles ...

Un souvenir douleureux revient ... celui d'une passion qui n'a duré que quelques mois, mais qu'elle a vécue avec une telle intensité! Émilie se souvient des nuits blanches où ils s'aimaient sans trêve, sans sommeil. Ce brasier qu'il savait allumer en elle, jamais elle ne l'a ressenti par la suite avec d'autres amants. Lorsque cet homme l'avait rejetée, la souffrance éprouvée avait été si vive que, même après des années, son coeur était encore en miettes.

Émilie est vidée, elle n'en peut plus de se battre. Cet accident qui l'a défigurée a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Tous les matins dans son miroir, elle voit le visage déformé de la jolie femme qu'elle n'est plus.

En pleurant, elle fait sa toilette et enfile son pyjama. Il fait froid dehors et le vent souffle rageusement. Émilie ajuste son cadran pour sept heures et se cache sous les couvertures. Combien de temps va-t-elle encore tenir?

Son chat vient la retrouver comme tous les soirs et réclame des caresses. Mais il n'en aura pas ce soir car Émilie est brisée. Elle ne peut plus rien donner.

Dans l'obscurité, Émilie pleure. Elle pleure sur sa vie passée, présente et à venir. Une vie pleine d'insécurité où la vieillesse fait peur. Une vie où elle n'a personne pour la rassurer, pour la bercer.

Elle entend dans le noir un léger clapotis. Mais son chagrin est tellement grand qu'elle n'y prête pas attention. Son chat se colle contre elle, comme pour la consoler. Émilie sanglote de plus belle et se sent couler ...

Une sensation étrange l'envahit soudainement. Elle est dans un utérus, comme un bébé flottant dans un liquide chaud. Quelle volupté! Ouvrant les yeux, elle s'aperçoit qu'elle n'est plus dans son lit, que ses larmes ont rempli la chambre et qu'elle-même est en suspension dans l'eau. Comme un petit poisson ... Cette eau salée dans laquelle elle baigne la sécurise. Un grand bien-être l'envahit.

Son subconscient a gagné. Émilie s'endort ... Elle a rejoint le sein de la mère universelle, pour une nouvelle naissance peut-être?

Quand sa soeur vient la chercher le lendemain pour l'emmener au travail, elle la trouve en pyjama dans son lit. Le corps en position foetale, les yeux fermés, une expression de béatitude sur le visage. Des papiers mouchoirs partout sur le plancher et le pauvre chat, prostré, couché sur sa maîtresse. Pas de traces d'effraction, ni de blessures. Bien que cela semble incompréhensible, Émilie est morte.

Deux jours après, les proches d'Émilie apprennent avec surprise, par la bouche du médecin légiste, la cause de son décès : ... Noyade.

Cette mort demeurera toujours une énigme pour le corps médical mais tous ceux et celles qui ont lu cette histoire savent très bien ce qui a fait mourir Émilie ...

Capu

Wow! Belle histoire Capucine...

Ça me trouble mais je ne comprends rien Capu ? Tu pourrais expliquer à un vieux sénile ?

Qu'est-ce qui l'a fait mourir noyée dans son lit?

C'est une sorte de métaphore Lord... ou comme un conte fantastique inachevé.
C'est pourquoi ça nous laisse un malaise je crois, il y a là la base d'un scénario qui n'est pas tout a fait assez développé.

Enfin c'est mon impression, la fin manque de développement.

Remarque que je serais bien incapable de pondre un texte comme ça, et que c'est facile de critiquer quand on n'écrit rien.

Diane a écrit:

..Remarque que je serais bien incapable de pondre un texte comme ça, et que c'est facile de critiquer quand on n'écrit rien.

Ben d'accord Diane, mais j'aimerais comprendre, si c'est possible pour moi ?

Elle s'est noyée dans ses larmes Gilles ... C'est intentionnel cette fin-là !

Merci Capu, mais si tu savais comme j'ai de la misère avec un tel scénario ! C'est complètement en dehors de mon "bag" !

Maudits ingénieurs et leurs rationalités !

Cher Gilles, s'il n'y avait pas d'ingénieurs, le monde serait bien mal pris !

Merci de ta compréhension, Capu !

Je ne comprends pas toujours mais j'essaie, je veux comprendre mais force m'est d'admettre qu'il y a des sujets où je ne suis pas de taille.

Excellent, Capu!

Gilles, un ingénieur se serait arrangé pour fermer les écluses!

Lord a écrit:

Diane a écrit:

..Remarque que je serais bien incapable de pondre un texte comme ça, et que c'est facile de critiquer quand on n'écrit rien.

Ben d'accord Diane, mais j'aimerais comprendre, si c'est possible pour moi ?

Je parlais de moi Gilles, pas de toi!!!!!!

Au fait quand je dis que c'est inachevé, c'est que l'idée est tellement riche qu'il y aurait matière a en faire tout un livre sans doute...

Diane a écrit:

Au fait quand je dis que c'est inachevé, c'est que l'idée est tellement riche qu'il y aurait matière a en faire tout un livre sans doute...

La critique, très positive d'ailleurs, était inachevée!

Diane a écrit:

Au fait quand je dis que c'est inachevé, c'est que l'idée est tellement riche qu'il y aurait matière a en faire tout un livre sans doute...

C'est pour ça que je n'écris que des petites nouvelles et pas de roman, je n'ai pas de souffle !